greenwashing, la stratégie de rockwool

La rhétorique de Rockwool

Industriel parmi d’autres dans un champ concurrentiel, Rockwool doit développer des arguments pour défendre ses produits, en vanter les qualités et les avantages et rester compétitif. Cela conduit Rockwool à créer des distorsions entre l’image des produits et la réalité. Pour parvenir à maintenir cet équilibre fragile, l’industriel doit développer un discours qui a des airs de vérités et qui colle en même temps aux aspirations de la société, aux attentes des consommateurs comme aux obligations légales.

Le but de la société Rockwool est de produire et vendre ses produits, de pérenniser son activité et de faire des bénéfices. Pour parvenir à ces différents objectifs, elle doit à la fois s’assurer un accès durable aux marchés nationaux et internationaux mais aussi garantir ses marges en améliorant le process industriel et résister à la concurrence en développant de nouveaux produits. Mais cela ne serait pas possible sans la communication, le récit autour de l’entreprise, son histoire, ses vertus, et le récit autour des produits, leurs qualités et leurs nécessités dans le contexte du marché. Le consommateur doit être convaincu d’acheter ce qu’il y a de mieux, un produit à la fois rentable, performant et si possible vertueux au regard des enjeux sociétaux.

D’autant qu’avec l’augmentation du coût de l’énergie, les produits très énergivores comme les laines minérales sont maintenant plus onéreuses que les matériaux biosourcés.

Pour parvenir à donner et renforcer cette image, Rockwool doit construire un discours qui s’appuie sur des données chiffrées, c’est le caractère scientifique, mais qui en même temps développe et argumente une histoire, avec des affirmations qui évoluent au fil du temps pour répondre aux attentes sociétales et enfin, le discours s’appuie sur des images pour marquer les esprits. Chaque action de communication de Rockwool joue la stratégie Logos-Pathos-Ethos (trinité de la Rhétorique d’Aristote) qui consiste à convaincre par l’émotion, la logique et l’autorité de l’orateur. i

Pour défendre son projet d’usine à Soissons, Rockwool doit développer deux thèmes : le premier est sa raison d’être sur ce territoire, le second est la qualité vertueuse de ses produits.

Avant d’analyser comme Rockwool développe ces deux thèmes, une question : comment et pourquoi un industriel doit-il masquer la vérité ou pour le dire plus crûment, mentir, afin de faire accepter ce qu’il produit ? Cette question part d’un simple constat à propos de Rockwool : ses productions sont toujours présentées sous un jour favorable, leur meilleur profil, en masquant ce qui est moins honorable. Cette méthode nous semble naturelle tant nous sommes bercés par les procédés publicitaires ainsi que par les actions de lobbying. Naïvement, on pourrait se dire qu’un jour, quelqu’un dirait la vérité mais il faudrait pour cela des organismes de contrôle indépendants et des services publics au service de l’intérêt général. Ainsi il a fallu des dizaines d’années pour contrer le lobby de l’amiante et interdire en 1997 ce produit toxique que les industriels ont été autorisés à vendre jusqu’en 2000 et qui fait encore des victimes aujourd’hui.

Pour défendre son choix du Soissonnais, Rockwool a besoin de donner une image d’entreprise soucieuse du tissu local. Mais les motivations réelles de Rockwool pour le Soissonnais sont autres : la proximité des marchés parisiens et du Bénélux, un terrain vaste pour une puis deux unités de production, un prix du foncier très attractif et le soutien des politiques locaux. Mais dit comme cela, ce n’est pas très vertueux. Rockwool présente donc d’abord des chiffres puis raconte une histoire et sensibilise avec une image.

Les chiffres : 130 emplois directs, 130 M€ d’investissements, 110 000 tonnes produites, 1 unité de production.

L’histoire : un ancien territoire industriel en déclin, une culture industrielle favorable, des taux de chômage important.

L’image : le sauveur d’industrie.

Pour renforcer cette image, Rockwool a fait appel au maire de Saint-Eloy-les-Mines qui relate comment cette multinationale, en s’implantant sur son territoire, a sauvé un tissu industriel détruit après la fermeture des usines d’amiante dans les années 1980. Le maire parle d’autorité et joue ainsi sur la corde sensible.

Nous verrons que la multinationale s’appuie aussi sur d’autres personnalités influentes, des politiques, des scientifiques ou des ambassadeurs et ambassadrices charismatiques.

Pour défendre son histoire, Rockwool et les politiques qui le soutiennent utilisent le concept de résilience. Le concept de résilience est employé à toutes les sauces. Le phénomène psychologique désigné par ce terme a été forgé par des écrivains comme le médecin Boris Cyrulnik pour expliquer la capacité d’un être humain à se reconstruire à la suite d’un traumatisme. Mais la résilience qui est d’abord un concept de physique a été récemment employée pour expliquer la renaissance de l’industrie même si celle-ci peut mettre à mal la résilience écologique ! Un colloque organisé récemment à la Maison de la chimie en donne une définition très orientée : « La résilience stratégique correspond à la capacité d’une organisation à absorber les effets d’une perturbation franchissant un état d’équilibre pour s’adapter à un autre. »

Avec cette novlangue, le terme de résilience est vidé de son sens initial et décrit même l’inverse puisqu’il permet de justifier que des industriels puissent continuer à exercer leurs activités même si elles sont polluantes. La résilience stratégique, c’est en réalité la capacité d’une industrie à ne pas permettre la résilience des territoires, de la nature et des habitants. Et cette résilience des territoires devrait conduire à ce que l’industrie soit transformée, qu’elle annule ses impacts négatifs et qu’elle le fasse en urgence.

Rockwool utilise très largement ce terme de résilience, par exemple pour vanter les qualités de résistance au feu sous le titre « laine de roche et résilience au feu » (voir leur site promotionnel).

Autre terme de la novlangue industrielle : la responsabilité. La responsabilité qui est l’obligation pour une personne (physique ou morale) de répondre de ses actes est employée aussi dans l’expression « responsabilité sociétale des entreprises » ou RSE qui doit traduire la prise en compte par une entreprise de ses impacts sur l’environnement. Rockwool comme toutes les grandes entreprises a mis en place une démarche de RSE. Réalisée par un cabinet spécialisé, cette démarche donne des mesures chiffrées des progrès de l’entreprise dans les domaines de la consommation d’énergie, des émissions de gaz à effet de serre ou encore des impacts sociaux de la production. Bien que cette démarche soit volontaire et donc maîtrisée par l’entreprise, la RSE de Rockwool réalisée sur la plateforme EcoVadis met en lumière des risques sur la santé comme sur la sécurité des employés ou encore en matière de travail des enfants, de travail forcé ou de respect des droits humains. Mais ce qui importe, ce ne sont pas les détails, c’est l’affichage, l’entreprise a une responsabilité sociétale, elle reçoit des médailles pour cela et elle le fait savoir.

Rockwool ne dédaigne pas employer le concept de sobriété pour justifier son matériau d’isolation. Ce concept recouvre plusieurs principes : les économies d’énergie, la décarbonation et le recyclage. Le raisonnement est sophistique : « la laine de roche est un isolant naturel et durable dont les performances thermiques permettent de réduire les dépenses énergétiques des bâtiments et donc les gaz à effet de serre (…). »ii En mélangeant plusieurs affirmations, Rockwool masque que le process industriel est extrêmement énergivore et que le matériau est tout sauf naturel et durable. Il masque aussi que, par définition, un matériau isolant permet de réduire les dépenses énergétiques des bâtiments.

Extrêmement énergivore : nous en rappelons les consommations plus bas dans l’article. Naturel et durable : ce point mérite de s’y arrêter. La nouvelle vidéo de promotion de Rockwool « by nature » est un feed back de la vie d’une femme. Quelques mots flash apparaissent comme « durable » graffité sur un mur de cité pendant un match de basket qui n’opposent que des filles, le propos est féminisé pour mettre l’accent sur la responsabilité maternelle. Cette présentation permet d’occulter la réalité technique de la non-durabilité et non-recyclabilité du produit. Le cycle de vie apparaît comme un retour à la naissance. Or, le mal-nommé « cycle de vie », quel que soit le matériau, n’en est pas un. Lorsqu’un matériau arrive en fin de vie, il deviendra un déchet ou bien une nouvelle matière première pour un autre matériau. Par exemple, le jean que vous mettez dans les coffrets du Relais sera soit redistribué après lavage et reprise soit déchiqueté et inclus dans un matériau isolant, le Métisse iii. Ce n’est donc pas un cycle, l’image appropriée est plutôt celle du rebond : en fin de vie, une partie des matériaux sera réutilisée dans un autre usage ou dans le même usage s’il s’agit de remploi. Dans le cas de la laine de roche, actuellement, celles qui sont déposées lors des chantiers de démolition partent en centres d’enfouissement parce qu’il est impossible de les trier et de les recycler. Le processus Rockcycle n’est qu’une manœuvre de communication et la soi-disante nouvelle démarche « by nature » est un leurre digne des métavers.

Revenons sur les chiffres présentés par Rockwool pour défendre son image de sauveur d’industrie soucieux de la redynamisation économique du Soissonnais. Nous pouvons mettre face à ces chiffres d’autres chiffres, cachés sous la table. Par exemple, le montant des subventions : un total supérieur à 15 M€ soit 135 000 € / emploi. Comment peut-on justifier de telles aides pour une entreprise qui par ailleurs fait des bénéfices importants (25 M€ en 2021 pour Rockwool-France) ? Autre chiffre par rapport à l’emploi : actuellement Rockwool-France c’est 805 emplois pour un chiffre d’affaires de 330 M€ soit env. 410 000 €/emploi. Avec l’usine automatisée de Soissons, le chiffre d’affaires grimperait à 440 M€ pour 945 emplois soit une augmentation de rentabilité par emploi de 14 % (465 000 €/emploi). L’industrie crée donc du chiffre d’affaires en réduisant les emplois créés par mille tonnes produites (de 2,45 à 2,12 emplois calculé sur l’ensemble Rockwool France). Mais si on applique ce raisonnement en ne considérant que l’usine de Soissons, soit 110 000 tonnes produites pour 130 emplois, le chiffre tombe à 1,2 emploi pour 1000 tonnes. La nouvelle usine automatisée augmentera donc les marges pour les actionnaires et détruira l’emploi productif.

Evidemment, il est plus difficile d’appréhender des chiffres qui sont présentés en valeur relative, un pourcentage par rapport à un total, que des chiffres absolus. Ainsi, qui peut être contre la création de 130 emplois sur un territoire qui a perdu à la fin des années 1990 des milliers d’emplois industriels ? Personne sauf si on démontre par les chiffres la faible qualité de ces emplois. Les emplois créés par une production comme le chanvre ou la paille sont 5 fois supérieurs !

Les chiffres peuvent donc être interprétés différemment et l’histoire chimérique s’effondre.

En matière de Pathos, le discours du maire de Saint-Eloy peut être contré par celui du maire de Courmelles qui par son action défend son village et ses administrés. Et l’image du sauveur d’industrie est annihilée par celle du sauveur de la qualité de vie de son village.iv

Le second thème que Rockwool doit développer et défendre est celui de la qualité de ses produits. Pour cela, la communication de l’industriel s’appuiera sur les grands thèmes sociétaux et sur les images chocs.

Les points faibles des produits de laines minérales sont l’impact sur la santé, la forte consommation d’énergie de fabrication, la non-recyclabilité et la faible durabilité. C’est pourtant sur ces points que Rockwool cherchera à se présenter comme vertueux en affirmant par exemple que la laine de roche serait naturelle, écologique et recyclable. Et des chiffres sont donnés pour affirmer cela. Vous en doutez ? Voici les justifications du fabricant.

Naturelle ? Oui car, selon le fabricant, issue de la roche, tout simplement

Renouvelable ? Oui car, selon le fabricant, l’activité volcanique terrestre génère en permanence d’énormes quantités de basalte.

Econome en énergie ? Oui car, selon le fabricant, l’énergie nécessaire à la fabrication serait économisée dès les premiers six mois dans une maison isolée en laine de roche. Elle permettrait même d’économiser 100 fois cette énergie initiale durant son cycle de vie !

Recyclable ? Oui, à l’infini selon le fabricant ! 50 % de matières recyclées durant le process industriel.

Saine ? Oui, selon le fabricant des analyses auraient démontré que les fibres sont assimilables par l’organisme

Locale ? Oui car, selon le fabricant, produit en France avec des roches issues de carrières françaises

Ajoutons que le produit offre un avantage incomparable : il est ininflammable.

Si vous mettez l’amiante à la place de la laine de roche, les réponses seront les mêmes.

Et Rockwool pioche dans les concepts à la mode pour démontrer sa vertu : sobriété, écologie, confort thermique, cycle de vie, etc. La récupération n’a pas de limite.

Alors qu’en est-il vraiment ?

Naturelle ? Les roches, car il y en a plusieurs, sont issues de carrières situées à des centaines de kilomètres du lieu de production, voire acheminées par bateau depuis la Grèce ou l’Afrique subsaharienne et extraites dans des conditions incertaines (ceci a été pointé par la démarche RSE évoquée plus haut). Ces roches sont mélangées à des clinkers, sont chauffées à 1500°, « comme dans un volcan », puis les fibres sont brutalement refroidies et propulsées dans un tambour pour être mêlées à un liant d’urée et de formol. La chimie peut être considérée comme incluse dans la nature mais elle la transforme et provoque des rejets très dommageables pour l’environnement. Ce n’est pas grave, la chimie c’est l’avenir pour les polytechniciens qui composent les instances utiles au lobby de Rockwool tel que Shift Project, joyeuse association écologiste dont Rockwool est membre du comité de gouvernance. Jean-Marc Jancovici qui est se présente comme défenseur de la sobriété est le porte-flingue du lobby des laines minérales.

extrait du comité de gouvernance de Shift Project :

Renouvelable ? Des volcans en éruption rejettent des milliards de tonnes de cette roche magique dont nous pourrons extraire l’isolation de nos maisons. C’est une belle image mais la réalité est autre, c’est l’extraction, les carrières, les mines, le concassage, le transport. Toutes ces actions de 1e transformation sont nécessaires à l’utilisation de cette matière première.

Econome en énergie ? Les quantités d’énergie nécessaire à une usine comme Rockwool sont considérables, c’est du coke à Saint-Eloy. Ce serait de l’électricité pour Rockwool Soissons. Le comparatif a été fait : il faudrait 50 éoliennes pour couvrir les besoins en puissance de la 1e unité de production de Rockwool Soissons et la consommation d’énergie de 192 Gwh/an équivaut à près de 2 fois celle des industries soissonnaises. Bien que fonctionnant à l’électricité, l’usine émettra 22 000 tonnes de CO2, sans compter les émissions liées au transport et l’énergie intrinsèque (ce qui multipliera ces émissions par 5). En comparaison, certaines usines productrices d’écomatériaux sont autonomes en énergie. Les chiffres annoncées par Rockwool d’une économie faite en 6 mois d’usage ou 100 fois durant son cycle de vie sont totalement bidons. Le mode de calcul n’est jamais donné. Par ailleurs à Soissons, les produits seront plus denses avec en conséquence un impact plus important sur la consommation d’énergie et les émissions de CO2.v

Recyclable ? C’est la plus belle blague de Rockwool ! On peut lire sur les plaquettes publicitaires que la laine de roche est recyclable à l’infini. Sur le site promotionnel Rockwool.com, l’affirmation est nette : « la laine de roche est recyclable à l’infini en une nouvelle laine de roche ». C’est tellement martelé que tout un chacun reprend cette affirmation sans filtre. Sur France Inter, la journaliste Sonia Devillers qui interrogeait le maire de Courmelles, Arnaud Svrcek, le 9 novembre 22 l’a affirmé sans ciller : « la laine de roche est recyclable ». Sur le site internet de Rockwool, on retrouve ces affirmations : « nous pouvons transformer l’ancienne laine de roche en un nouveau produit » et « nous créons des produits recyclables et durables ».

Dans ce discours, le communicant joue sur deux plans : le premier, durant le process industriel, 50 % des matières premières seraient issues du recyclage, ce qui peut être vrai si on considère que les résidus de haut fourneau sont des déchets recyclés et que les chutes réintroduites sont aussi des déchets. Le second plan est le recyclage de déchets de chantier que Rockwool met en avant avec la démarche Rockcycle et fait briller ce chiffre de mille feux : 464 tonnes (on lit aussi 586 tonnes) recyclées par an. Dans un précédent article, nous expliquons pourquoi ce chiffre et pourquoi les laines minérales ne sont pas ou très peu recyclables. 464 tonnes, c’est à peine 0,15 % du total produit à Saint-Eloy chaque année. Et Saint-Gobain envisage de pouvoir recycler 20000 tonnes de laine de verre à l’horizon… 2028. En fait, les conditions de récolte de ces déchets de chantier sont si draconiennes qu’elles sont très difficilement applicables. Donc, non, pas recyclable ! Encore une fois, cela permet de jouer sur une belle image, de mettre en avant ce sigle trompeur de la roue qui tourne sur elle-même.vi

Ce discours de recyclabilité supposée est si fort auprès des professionnels que Rockwool a été récemment récompensé par l’UNTEC, l’union des économistes de la construction, qui sont des prescripteurs importants sur les marchés publics et privés. Chers amis économistes, êtes-vous allés voir ce qu’il en est vraiment ?

Le colloque de l’UNTEC en septembre 2022 était nommé : « décarbonation ». Et l’image qui est mise en avant est celle d’un environnement détruit par les usines versus un environnement renaturé. Nous aurions pourtant placé l’usine de Rockwool à gauche de l’image plutôt qu’à droite dans la nature verdoyante ! Mais bon, l’industriel a payé sa place parmi les exposants.

Saine ? Les études menées, déjà anciennes, n’ont pris en considération que la fibre mais pas le substrat total. Celui-ci est composé de substances cancérogène comme le formaldéhyde, l’ammoniac ainsi que de poussières, tous ces composants que l’on retrouve aussi dans les fumées de l’usine, malgré les filtres. On attend encore des études indépendantes mais Rockwool, en lobbyiste accompli, a su s’entourer de personnalités influentes dans ce domaine comme Suzanne Déoux de l’institut Médiéco. Et L’ECEUB exerce un lobby important auprès de l’Europe.vii

A Saint-Eloy, le commission de suivi de site CSS ne s’est pas réuni depuis 2019. Voici deux extraits du derniercompte-rendu de cette commission qui sont éloquents de son impuissance.

Locale ? Depuis début 2022, sous l’effet des enjeux géostratégiques, la relocalisation des industries, préconisée depuis des années par certains économistes, en devenue une priorité ou tout au moins un affichage. En effet, des multinationales comme Rockwool se présente comme défenseur de la production française. Cela a été affirmé lors du colloque Resiliens organisé à la Maison de la chimie en novembre 2022. C’est extraordinaire d’entendre que des multinationales se revendiquent maintenant d’une économie locale. Voici encore une fois un concept vidé de son sens. Le cycle vertueux de l’économie locale est bien de faire jouer les acteurs d’un territoire dans une chaîne d’interdépendance qui permet à chacun de trouver son équilibre économique. Il en est ainsi des fibres végétales pour la construction dont la transformation touche plusieurs secteurs : l’agriculture, l’industrie agricole de 1e transformation, l’industrie de 2e transformation, les entreprises du bâtiment, etc.

La rhétorique conduite par Rockwool amène à penser que chaque affirmation de l’industriel vise à masquer quelque chose de contraire, que chaque engagement sert à repousser la découverte des effets délétères de cette production, que chaque image est une illusion face à une réalité bien peu désirable.

Nous sommes des citoyens sentinelles qui éclairent les faces cachées. Rockwool a affirmé vouloir créer un groupe de citoyens sentinelles qui pourrait contrôler la toxicité des rejets. Nous n’attendons pas, les faits attestent la dangerosité de cette industrie et le jeu de la rhétorique ne fait que renforcer les doutes qui ont été exprimés au fur-et-à-mesure que les réalités de cette industrie ont été dévoilées.

i https://education.toutcomment.com/article/quelle-est-la-signification-de-logos-pathos-et-ethos-aristote-14011.html

iiLes experts de Rockwool nous explique comment détourner l’esprit de la RE2020 : https://www.rockwool.com/fr/a-propos-de-rockwool/presse-et-medias/2022/les-experts-rockwool-d%C3%A9cryptent-la-re-2020-a-travers-des-videos-pedagogiques/

iiiPlus d’informations sur Métisse, alternative durable aux laines minérales : http://www.isolantmetisse.com/

ivArnaud Svrcek et David Breger Le village contra la multinationale, éditions du Seuil, 2022

vSur le site de promotion du projet, Rockwool ne donne pas la consommation mais la puissance, un tour de passe-passe typique de la communication de l’entreprise : https://www.soissons.rockwool.fr/fr/faq/le-projet-et-son-avenir#accordion-19726-3600

viLire aussi : https://stoprockwool.wordpress.com/2022/11/21/des-reunions-de-desinformation-publique/

viiL’ECEUB ( l’EUropean CERtification Board for Mineral Wool Products ) est une association chargée de contrôler si les laines minérales vendues sur le marché européen ne sont pas cancérogènes. Elle a été créée en 2000 par les principaux industriels du secteur : Isover, Paroc OY Ab, Knauf international et Rockwool international . Lire à ce propos : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/transparence-et-integrite-les-150629

4 réflexions au sujet de “La rhétorique de Rockwool”

  1. De la rhétorique ?

    Rockwool, en tant qu’entreprise capitaliste, use évidemment de procédés rhétoriques pour faire valoir ses intérêts.
    Je constate pourtant que les opposants au projet ne sont pas en reste dans l’usage de la manipulation rhétorique et du sophisme. En l’espèce, on tient une magnifique perle :
    « Si vous mettez l’amiante à la place de la laine de roche, les réponses seront les mêmes. »
    Il s’agit là d’un exemple parfait du procédé « sophistique » de « déshonneur par association ». Malvenu dans un texte qui dénonce la rhétorique Rockwool.

    Energivore ?

    Sur le fond, certains de vos arguments me semblent assez caducs.
    Notamment, Rockwool annonce un temps de retour énergétique de 6 mois pour la laine de roche produite et une économie d’énergie 100 fois supérieure à l’énergie nécessaire à sa production. Vous remettez en cause ces chiffres dont les calculs ne sont pas explicités. Mais quels sont les calculs qui vous permettent d’affirmer que cette production de laine de roche est énergivore en regard de son usage ?
    La production de 110 000 tonnes appellerait une consommation électrique de 192 GWh/an. Considérant la densité de la laine de roche et le volume nécessaire à l’isolation d’un logement moyen, la production permettrait d’isoler de l’ordre de 90 000 logements par an. Pour des logements de classe énergétique D à G, une économie de chauffage de 100 kWh/m2/an soit 7 MWh/logement/an est envisageable. La production annuelle de l’usine permettrait donc une économie de chauffage de 630 GWh par an. Considérant la consommation électrique de l’usine, le temps de retour énergétique serait inférieur à 4 mois. Si l’on prend en compte l’énergie consommée pour l’extraction de la roche, le transport …, qui n’est probablement pas prépondérante, le chiffre de 6 mois annoncé par Rockwool me semble tout à fait crédible. Rockwool annonce un ratio énergie consommée/énergie économisée de 1/100. Qu’en bien même ce chiffre serait biaisé d’un facteur 10, la production de laine de roche permettrait d’économiser 10 fois sa consommation d’énergie. L’argument d’une industrie énergivore est donc, il faut bien le dire, absolument fallacieux, nul et non avenu. Je pense que vous gagnerez à l’abandonner. Cela donne l’impression que vous partiez avec un à priori sur le projet, et qu’à postériori, vous tentez d’invoquer des arguments pour justifier votre position. En somme, ce que vous reprochez à Rockwool ici même.

    De la laine de chanvre comme alternative ?

    Vous faites remarquer à juste titre, que si la laine de roche est recyclable, elle ne sera pas nécessairement recyclée, eu égard aux réalités de la collecte. Mon passage en déchetterie il y a quinze jours, vu le contenu des bennes destinée à l’enfouissement et à l’incinération, me fait penser que vous avez certainement raison. Pour planifier il est évidemment préférable d’utiliser les hypothèses réalistes.
    Plutôt que de développer la production de laine de verre, le collectif propose l’usage de matériaux biosourcés, en particulier la laine de chanvre. Cette proposition est forte intéressante et présente de nombreux avantages.
    Mais comme il faut raisonner sur des hypothèses réalistes, je suis en demande de plus d’éléments pour apprécier cette proposition. Avez-vous pu approfondir ce sujet ?
    Quelques questions me viennent :
    -Comment la laine de chanvre est-elle rendue imputrescible ? Quel est l’impact d’un éventuel traitement en terme sanitaire, de pollution et de consommation énergétique ?
    -Quel est le rendement agricole du chanvre et à quelles conditions? Quelle surface agricole faudrait-il mobiliser pour atteindre l’objectif de 800 000 rénovations thermiques par an en France ? Quelles pourraient être les conséquences et à quelle vitesse peut-on envisager de développer une telle filière? Comme vous le dites, il reste 10 ans pour agir.
    -J’ai lu sur le site d’un producteur de chanvre du Poitou que la laine de chanvre peut être utilisée pour l’isolation par l’extérieur, mais avec des contrainte certaines. Il s’agit, si j’ai bien compris, de produire un mortier en association avec de la chaux. Cette méthode semble technique et semble demander l’emploi d’une main d’œuvre nombreuse et très qualifiée. Etant donné la difficulté actuelle qu’éprouve le secteur de la rénovation thermique à répondre à la demande, pourtant loin d’être à la hauteur de l’enjeu climatique, peut-on espérer former autant d’artisans et aussi vite ? Rockwool envisage une production dès 2024. En abandonnant la laine de roche, et en attendant que la flière « bio-sourcé » soit opérationnelle, ne risque-t-on pas de passer à côté de millions de tonnes de CO2 évitées ? Quel serait l’impact de l’exploitation des carrières pour la production de chaux ? Quelles conséquences pour les classes populaires en précarité énergétique si l’isolation de leur logement doit attendre le développement de la filière chanvre, ou si elle est empêchée par un coût prohibitif ?

    Pour finir, je souhaiterai savoir si vous avez pu engager des actions en faveur du développement de la filière chanvre. En effet, l’Etat, conduit par des gouvernements imprégnés de l’idéologie libérale, n’assure plus aujourd’hui de rôle de planification stratégique, économique et industrielle. Il laisse le champ libre au marché et à des acteurs privés tels que les géants du BTP ou Rockwool, qui par essence sont guidés par les intérêts financiers de leurs actionnaires et non par l’intérêt général.
    Dans ce contexte, il serait très utile que des citoyens soient à l’initiative et entrainent avec eux les collectivités territoriales pour le développement de cette filière. Puisque le chanvre ne semble pas nécessiter la mise en œuvre d’une industrie « lourde » et centralisée et permet une production locale de la matière première comme du matériau, l’idée mérite d’être creusée. Ne peut-on pas envisager de créer dans le soissonnais une unité de production de laine de chanvre, dimensionnée pour répondre aux besoins locaux d’isolation thermique ? Si les surfaces agricoles nécessaires sont raisonnables, il serait sans doute possible de trouver des exploitants agricoles disposés à produire la matière première. Il est probable que la chambre de commerce et l’industrie et la chambre d’agriculture voient d’un bon œil ce projet s’il leur était présenté. L’unité de production de laine de chanvre pourrait être créé sous forme d’une coopérative ou pourquoi pas d’une SPL contrôlée par la communauté d’agglomération. Quoi qu’il en soit, l’urgence climatique est telle qu’il n’est pas raisonnable de renoncer à un projet d’usine d’isolant thermique sans s’assurer qu’une alternative plus vertueuse soit disponible en temps et en heure. A vrai dire je pense que laine de roche comme laine de chanvre seront indispensables.

    J’aime

    1. De la rhétorique ?

      La nature capitalistique de Rockwool suffit-elle pour justifier qu’elle recourt à des procédés de manipulation pour faire valoir ses intérêts alors que dans le cadre de l’enquête publique, la transparence est requise ? Mais effectivement, Rockwool n’est pas seule à abuser de méthodes de communication qui ont d’autres objectifs que d’apporter au public des informations fiables.
      Le déshonneur par association est certes un procédé de rhétorique mais, en l’occurence, la comparaison n’est pas fortuite. Les industriels de l’amiante ont lutté fermement pour continuer à vendre leur produit pourtant reconnu comme toxique. En 1982 a été créé le comité permanent amiante qui a retardé son interdiction jusqu’en 1997. Le rapprochement entre les fibres minérales naturelles de l’amiante et celles des laines minérales a été effectué. Les industriels des laines minérales se sont réunis pour former en 2000 l’EUCEB qui exerce un lobbying européen pour éviter leur interdiction. Rockwool utilise des arguments qui ressemble fort à ceux employés par les industriels de l’amiante à leur époque : un produit naturel, économe en énergie, très résistant au feu et recyclable. Sauf que dans le cas de Rockwool, excepté la résistance au feu, ces affirmations sont fausses. Pour ce qui est de la toxicité du produit, un article est consacré à ce sujet sur le site internet.

      Energivore ?

      Nous affirmons que la laine de roche est énergivore au regard de sa production. Concernant son usage, il s’agit d’un isolant. Le propre d’un matériau isolant, quelle que soit sa nature, est de permettre des économies d’énergie de chauffage et climatisation. Ces qualités ne sont pas celles des seules laines minérales mais de tous les isolants. C’est pourquoi, il est absurde de chercher à justifier la dépense énergétique de production par l’économie générée. Pour savoir si un matériau est vertueux du point de vue de l’énergie nécessaire à sa transformation (extraction, transport, fabrication, conditionnement, livraison et retraitement en fin de vie), il faut le comparer à un autre matériau isolant suivant les mêmes critères. De ce point de vue, les chiffres avancés par Rockwool ne servent qu’à masquer la quantité d’énergie de fabrication.
      Sur une hypothèse de faible densité du matériau (70 kg/m3), nous estimons cette énergie embarquée à 35 kWh/m² de produit en 30 cm d’épaisseur. Comme nous l’expliquons par ailleurs, les produits qui seraient fabriqués à Soissons auraient une densité plus importante pour un usage en isolation thermique par l’extérieur, ce qui augmente la valeur de l’énergie embarquée.
      La démarche qui consiste à évaluer le nombre de logements qui pourraient être isolés avec la production annuelle à Soissons est intéressante. Vous affirmez que 90 000 logements pourraient être isolés. Si on effectue un calcul de quantité, cela équivaut à 1,22 T/logement. Dans l’hypothèse d’une isolation thermique par l’extérieur de 140 kg/m³ avec 15 cm d’épaisseur, cela revient à 58 m² de surfaces isolées, s’il s’agit d’une isolation par l’intérieur avec une densité de 70 kg/m³ avec la même épaisseur, cela correspond à 116 m². Ces quantités peuvent correspondre à l’isolation de logements collectifs de petite taille mais pas à ceux d’une maison individuelle.
      A titre d’exemple, pour la réalisation d’une maison individuelle de 100 m² habitable de plain pied isolée aux normes de très basse consommation d’énergie, il faut près de 10 tonnes de matériaux isolants pour les planchers, murs et toiture.
      Le rapport entre le gain énergétique potentiel et l’énergie de production est donc très aléatoire. Et pour une comparaison complète entre l’énergie de production et la consommation d’un logement, nous ne pouvons pas nous contenter de la consommation annoncée de 192 Gwh/an car il faut y ajouter toutes les énergies : l’énergie embarquée de l’électricité, l’énergie des transports, l’énergie embarquée des matières premières.
      Mais vous admettez que l’affirmation de Rockwool d’un gain par 100 est fallacieux. Par 10, il l’est tout autant.
      Vous contestez dans un autre commentaire, le calcul des consommations énergétiques de transport, or ceux-ci sont basés sur des hypothèses claires selon les données fournies par Rockwool : des carrières distantes de 500 kms du lieu de production, pas de mode de transport alternatif, un tonnage de 25 tonnes/camion pour les matières premières et 12,5 pour les produits finis, plus de 50 trajets par jour, 20 L/100 kms. L’énergie libérée d’un litre de gasoil est de 11 kWh. Le total d’énergie libérée est donc selon nos hypothèses supérieure à 100 Gwh/an.
      Mais pour se faire une idée de ce que représente l’énergie pour Rockwool, comme nous l’avons souligné par ailleurs, les charges énergétiques sont un poste très important dans le bilan et les augmentations des coûts énergétiques ont des répercussions directes sur le prix du produit fini. Les augmentations constatées depuis 1 an en sont l’illustration et les produits de Rockwool sont maintenant plus onéreux que des produits biosourcés pour un usage équivalent.

      De la laine de chanvre comme alternative ?

      Les alternatives aux laines minérales ainsi qu’aux produits pétroliers existent et ont fait leurs preuves depuis des années. Les matériaux biosourcés qui étaient encore marginaux à l’aube des années 2000 sont maintenant courants, ils répondent aux normes actuelles, sont sous avis techniques et disposent de chaînes de production aux échelles industrielle comme artisanale. Il y a une grande diversité de matériaux utilisables, le chanvre en est un auprès du lin ou de la paille de blé, autres productions locales, du coton recyclé, de la laine de bois, de la cellulose, etc.
      Le territoire soissonnais souffre d’un manque d’investissement dans des filières d’avenir. Le démembrement du tissu industriel a laissé des vides que des multinationales comme Rockwool savent flairer. Le chômage et une main d’oeuvre insuffisamment qualifiée, sont des marqueurs que les grands groupes industriels utilisent pour obtenir les faveurs des politiques locaux.
      L’argument de la cohabitation des matériaux biosourcés à côté des matériaux conventionnels a été développé déjà par les personnalités politiques qui défendent Rockwool mais aucune ne s’engage à développer une production des premiers. Pourtant le préfet de l’Aisne a été à l’initiative d’études sur le développement économique de matériaux écologiques de production locale. Sur ce point, notre territoire est malheureusement à la traîne et les orientations politiques tant régionales que locales ne vont pas dans cette direction, pour le moment…

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